Arthur Rimbaud, le po�te > Anthologie comment�e > � O la face cendr�e...�
 

� o la face cendr�e ... � (Les Illuminations 1873-1875)

 

 

 


 

x x x.

     � la face cendr�e, l'�cusson de crin, les bras de cristal ! Le canon sur lequel je dois m'abattre � travers la m�l�e des arbres et de l'air l�ger !

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

       Autographe BnF du folio 7

 

 

 

 


 

 
   Deux phrases nominales exclamatives. Apr�s un � � � dont toute la question sera de savoir quel sentiment pr�cis il exprime, la premi�re de ces phrases �num�re trois parties d'un corps, La suivante y ajoute un quatri�me �l�ment, de signification �rotique crypt�e peu myst�rieuse, compl�t� d'une proposition relative qui ouvre autour de la sc�ne un large et bucolique d�cor d'� arbres �, qu'agite un � air l�ger �.
   Le segment de phrase � � travers la m�l�e des arbres et de l'air l�ger ! � produit une sensation d'euphonie par la r�p�tition des m�mes sonorit�s : les consonnes /r/ (4 fois) et /l/ (4 fois), les voyelles /a/ (4 fois), /�/ (3 fois) et /�/ (4 fois). Cependant, le mot � m�l�e � ne laisse d'�tre �tonnant. M�me � l�ger �,  un vent peut certes s'emm�ler dans les branches des arbres ou les faire s'entrem�ler. Mais le s�mantisme normal de � m�l�e � implique un degr� d'agitation, voire de violence, peu compatible avec l'id�e d'une brise l�g�re.
   Toute anomalie ressentie dans un texte (impropri�t� lexicale, syntaxe aberrante, image obscure) doit �tre �tudi�e de pr�s comme un possible interpr�tant du sens qui s'y trouve cach�. Et tel est bien le cas ici. Ce terme un peu inad�quat de � m�l�e � appliqu� au paysage r�v�le en fait le sens de toute la sc�ne. Car c'est bien d'une m�l�e amoureuse, d'un corps � corps, qu'il s'agit. Pour nous le faire deviner sans le dire explicitement, Rimbaud a transf�r� au paysage un terme qui aurait mieux convenu � cette autre m�l�e du texte, de connotation nettement plus guerri�re : � le canon sur lequel je dois m'abattre �. Sophistiquant l'analyse, on pourrait aller jusqu'� voir dans cet �nonc� d�cal� un effet d'optique, cherchant � restituer la sensation d'un paysage qui chavire, telle qu'a pu l'exp�rimenter le narrateur pendant l'�treinte, ou au moment o� il s'abat.
   Toujours est-il que les diff�rentes parties du corps m�taphoriquement �num�r�es par le po�me (� l'�cusson de crin � pour la pilosit� pubienne, � la face cendr�e � pour les � chairs superbes � couleur de � neige �, les � bras � dont le � cristal � tinte comme les � bras blonds � du faune d'Antique), loin de constituer un contemplatif blason, sont � interpr�ter comme les membra disjecta de deux corps se d�nouant � l'issue de la tendre lutte. D'o� le verbe � s'abattre � et la m�taphore du � canon � (pour le sexe masculin), comparant dont les connotations guerri�res n'ont pas �t� choisies au hasard.
   Faut-il vraiment s�parer ces deux phrases de Being Beauteous ? N'est-ce pas pr�cis�ment sur son partenaire de Being Beauteous que succombe le narrateur de � � la face cendr�e �, en exprimant � travers l'interjection un sentiment m�l�, d'admiration pour le � corps ador� � et de d�convenue � la retomb�e du d�sir ? Dans sa r�cente �dition des �uvres compl�tes de Rimbaud de la Biblioth�que de la Pl�iade, Andr� Guyaux, jadis si partisan de la s�paration, ne se montre plus aussi convaincu d'avoir affaire, avec ce � court fragment �, � un � po�me autonome �  : � Ce court fragment, qui figure � la suite d'Antique et de Being Beauteous, sur le m�me feuillet, pourvu d'un titre constitu� de trois ast�risques simples et suivis d'un point, peut �tre compris comme un appendice aux deux po�mes pr�c�dents ou un po�me autonome �voquant lui aussi un corps convoit� et appel� �.

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Bibliographie

Pierre Brunel, �clats de la violence. Pour une lecture comparatiste des Illuminations d�Arthur Rimbaud, �dition critique comment�e, Paris, Jos� Corti, 2004, p. 161-165.

Antoine Fongaro, De la lettre � l'esprit. Pour lire Illuminations, Champion, 2004, p.13.

Andr� Guyaux, Po�tique du fragment. Essai sur les Illuminations de Rimbaud, Neuch�tel, � la Baconni�re, � Langages �, 1985, p.103-105.                                                      

Yves Reboul, Rimbaud dans son temps, Paris, Classiques Garnier, coll. ��tudes rimbaldiennes �, 2009, p.  323-339.

 

 

 

 

 

 

 

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