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� la face cendr�e,
l'�cusson de crin, les bras de cristal ! Le canon sur lequel je dois
m'abattre � travers la m�l�e des arbres et de l'air l�ger !
Autographe BnF
du folio 7

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Deux phrases nominales exclamatives. Apr�s un � � � dont toute la
question sera de savoir quel sentiment pr�cis il exprime, la premi�re de
ces phrases �num�re trois parties d'un corps, La suivante y ajoute un
quatri�me �l�ment, de signification �rotique crypt�e peu myst�rieuse,
compl�t� d'une proposition relative qui ouvre autour de la sc�ne
un large et bucolique d�cor d'� arbres �, qu'agite un � air
l�ger �.
Le segment de phrase � � travers la m�l�e des arbres
et de l'air l�ger ! � produit une sensation d'euphonie par la r�p�tition
des m�mes sonorit�s : les consonnes /r/ (4 fois) et /l/ (4 fois), les
voyelles /a/ (4 fois), /�/ (3 fois) et /�/ (4 fois). Cependant, le mot
� m�l�e � ne laisse d'�tre �tonnant. M�me � l�ger �,
un vent peut certes s'emm�ler dans les branches des arbres ou les faire
s'entrem�ler. Mais le s�mantisme normal de � m�l�e � implique
un degr� d'agitation, voire de violence, peu compatible avec l'id�e d'une brise
l�g�re.
Toute anomalie
ressentie dans un texte (impropri�t� lexicale, syntaxe
aberrante, image obscure) doit �tre �tudi�e de pr�s comme
un possible interpr�tant du sens qui s'y trouve cach�. Et tel est bien
le cas ici. Ce terme un peu inad�quat de � m�l�e � appliqu� au
paysage r�v�le en fait le sens de toute la sc�ne. Car
c'est bien d'une m�l�e amoureuse, d'un corps � corps, qu'il s'agit.
Pour nous le faire deviner sans le dire explicitement, Rimbaud a transf�r� au paysage un terme qui aurait mieux convenu � cette autre
m�l�e du texte, de connotation nettement plus guerri�re : � le
canon sur lequel je dois m'abattre �. Sophistiquant l'analyse, on
pourrait aller jusqu'� voir dans cet �nonc� d�cal� un effet d'optique,
cherchant � restituer la sensation d'un paysage qui chavire, telle
qu'a pu l'exp�rimenter le narrateur pendant l'�treinte, ou au moment o�
il s'abat.
Toujours est-il que les diff�rentes parties du corps
m�taphoriquement �num�r�es
par le po�me (� l'�cusson de crin � pour la pilosit� pubienne,
� la face cendr�e � pour les � chairs superbes � couleur de
� neige �, les � bras � dont le
� cristal � tinte comme les � bras blonds � du faune d'Antique),
loin de constituer un contemplatif blason, sont �
interpr�ter comme les membra disjecta de deux corps se d�nouant
� l'issue de la tendre lutte. D'o� le verbe � s'abattre � et la m�taphore du � canon �
(pour le sexe masculin), comparant dont les connotations guerri�res
n'ont pas �t� choisies au hasard.
Faut-il vraiment s�parer ces deux phrases de Being Beauteous ?
N'est-ce pas pr�cis�ment sur son partenaire de Being Beauteous
que succombe le narrateur de � � la face cendr�e �, en exprimant �
travers l'interjection un sentiment m�l�, d'admiration pour le � corps
ador� � et de d�convenue � la retomb�e du d�sir ? Dans sa r�cente �dition des
�uvres compl�tes de Rimbaud de la Biblioth�que de la Pl�iade, Andr� Guyaux,
jadis si partisan de la s�paration, ne se montre plus aussi convaincu
d'avoir affaire, avec ce � court fragment �, � un � po�me autonome � :
� Ce court fragment, qui figure � la
suite d'Antique et de Being Beauteous, sur le m�me
feuillet, pourvu d'un titre constitu� de trois ast�risques
simples et suivis d'un point, peut �tre compris comme un
appendice aux deux po�mes pr�c�dents ou un po�me autonome
�voquant lui aussi un corps convoit� et appel� �.
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Bibliographie
Pierre Brunel,
�clats de la violence. Pour une lecture comparatiste des
Illuminations d�Arthur Rimbaud, �dition
critique comment�e, Paris, Jos� Corti, 2004, p. 161-165.
Antoine Fongaro, De la lettre � l'esprit. Pour lire
Illuminations,
Champion, 2004, p.13.
Andr� Guyaux, Po�tique du fragment. Essai sur les
Illuminations de Rimbaud, Neuch�tel, � la Baconni�re, � Langages
�, 1985, p.103-105.
Yves Reboul, Rimbaud dans son temps, Paris, Classiques
Garnier, coll. ��tudes rimbaldiennes �, 2009, p. 323-339.
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