LETTRE � JEAN
AICARD (LES EFFAR�S)
Jean Aicard, po�te
d'origine proven�ale, n� en 1848, n'avait encore que peu publi� quand il re�ut la missive de Rimbaud.
Rimbaud ne le connaissait pas, mais il avait pu lire des vers de lui, entre
autres, dans le second Parnasse contemporain, dont la parution en douze
livraisons s'�gr�ne � partir du 20 octobre 1869. La lettre, envoy�e chez
l'�diteur Lemerre avec mention "Pour Monsieur Jean Aicard", ne contient que le
po�me et un laconique message final dans
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lequel Rimbaud
sollicite, en �change de ses Effar�s, l'envoi d'un recueil
intitul� : Les R�bellions et les
Apaisements. Il donne son adresse � toutes fins utiles. Il avait d�
apprendre la prochaine parution de cette �uvre. Mais elle ne sera mise en
librairie qu'en ao�t 1871 et on ignore si Jean Aicard se soucia de r�pondre �
son jeune confr�re. Fac-simil� couleur dans : Arthur Rimbaud, Correspondance, pr�sentation et notes de J.-J. Lefr�re, 2007,
Fayard. |
Autographe
Collection Fran�ois-Marie Banier.
Nous reproduisons trois versions diff�rentes des "Effar�s" :
- la premi�re est celle du dossier
Demeny (1870). Elle
est dat�e du
20 septembre 1870. Voir ce texte > Dossier
P.Demeny
- la seconde (texte ci-contre) est aussi un autographe. Elle a �t� jointe par Rimbaud � une lettre destin�e � Jean
Aicard (dont l'enveloppe porte la date du 20 juin 1871).
L'ann�e de la date inscrite au bas du po�me est difficilement
lisible :
Juin 1871 (LF, p.439) ? Auquel cas Rimbaud
aurait indiqu� la date du recopiage (et de la correction) du
texte ?
Juin 1870 (SM-IV, p.533) ? auquel cas il aurait pu
vouloir indiquer le moment approximatif de l'�laboration.
Des variantes significatives
s'observent par rapport � la version du Recueil de Douai aux
v. 16-17, 29, 31.
- la troisi�me version est une copie de la main de Verlaine
dans son recueil de po�mes de Rimbaud confectionn� entre
septembre 1871 et f�vrier 1872. Le po�me n'y est pas dat�. Des variantes significatives
s'observent par rapport � la version du Recueil de Douai aux
v. 12, 16-17, 26, 29, 31-32, 35. Voir ce texte >
Dossier Verlaine (1871-d�but 72)
Il existe trois autres versions qu'on ne reproduit pas ici :
- Une autre
copie de la main de Verlaine, dont Murphy donne le texte dans SM-I
(voir p. 262-263, 271-272), mais dont il n'existe pas de
fac-simil�. Elle ne pr�sente que quelques variantes mineures
de ponctuation par rapport � la copie Verlaine que nous
publions.
- Une version imprim�e en janvier 1888 dans The Gentleman's
Magazine sous le titre Petits pauvres.
- Enfin, la version des Po�tes maudits.
Voir ces textes dans AG-09 p.85-88.
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Les Effar�s
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� Monsieur Jean Aicard
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Noirs dans la neige et dans la brume,
Au grand soupirail qui s'allume,
Leurs culs en rond,
� genoux, cinq petits, � mis�re !
�
Regardent le Boulanger faire
Le lourd pain blond.
Ils voient le fort bras blanc qui tourne
La p�te grise, et qui l'enfourne
Dans un trou clair :
Ils �coutent le bon Pain cuire.
Le boulanger au gras sourire
Chante un vieil air :
Ils sont blottis, pas un ne bouge,
Au souffle du soupirail rouge,
Chaud comme un sein.
Quand, pour quelque m�dianoche,
Plein de dorures de brioche
On sort le pain,
Quand, sous les poutres enfum�es Chantent les cro�tes parfum�es
Et les grillons,
Que ce trou chaud souffle la vie ; Ils ont leur �me si ravie Sous leurs haillons,
Ils se ressentent si bien vivre, Les pauvres petits plein de givre, Qu'ils sont l�, tous,
Collant leurs petits museaux roses Au treillage, et disant des choses, Entre les trous,
Des chuchotements de pri�re ; Repli�s vers cette lumi�re De ciel rouvert,
Si fort, qu'ils cr�vent leur culotte Et que leur lange blanc tremblote Au vent d'hiver.
Juin 1871 - Arth. Rimbaud
5bis Quai de la Madeleine, Charleville (Ardennes)
Un ex. des R�bellions, s'il plait �
l'auteur.
A.R.
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